100 ans de la Déclaration de Genève sur les droits de l'enfant

Berne, 10.10.2024 - Discours du Conseiller fédéral Beat Jans à l'Université de Genève

La parole prononcée fait foi

 

 

Madame la Conseillère d'État,
Mesdames et Messieurs les Députés au Grand Conseil,
Madame la Maire de la Ville de Genève,
Madame la Vice-Rectrice de l'Université de Genève,
Mesdames et Messieurs les participants à la table ronde,
Chers jeunes politiciennes et politiciens,
Mesdames et Messieurs,

Il y a quelques jours, j'ai été interviewé par une journaliste âgée de 10 ans, Samira, d'une radio alémanique gérée par des jeunes. Elle m'a posé cette question :

« Nous, les enfants, sommes considérés comme l'espoir de la paix dans le monde. Mais dès le début de la scolarité, à cause du stress et de la pression, nous perdons notre gentillesse entre nous. Que pouvons-nous changer à l'école pour être plus respectueux ? » Cette réflexion peut sembler anodine, mais elle ne l'est pas :

  • Elle dénote une profonde conscience des relations sociales.
  • Elle montre aussi une volonté d'améliorer le
    vivre-ensemble.
  • N'est-ce pas le début d'une réflexion politique à ce jeune âge ?

Cette discussion me ramène au thème de la conférence qui nous réunit ce soir : « Les enfants seront-ils un jour des citoyens ? »

Poser cette question, c'est s'interroger d'abord sur le chemin parcouru depuis l'adoption d'un instrument fondateur pour notre société et notre démocratie : la déclaration des droits de l'enfant.

C'est donc avec un immense plaisir que je célèbre avec vous les cent ans de ce texte, là où il a été adopté, à Genève.

La Déclaration de Genève est la première charte mondiale protégeant les droits d'un groupe spécifique : les enfants. On la doit à une femme britannique, Eglantyne Jebb. Son engagement visionnaire lors de la rédaction de ce texte a reçu le soutien de la Confédération.

Ce premier instrument international visant la protection de l'enfance a été adopté par la Société des Nations, présidée alors par le conseiller fédéral Giuseppe Motta. Et il a été cosigné par l'ancien président de la Confédération, le Genevois Gustave Ador.

La Déclaration de Genève a évolué pour devenir la Convention des droits de l'enfant des Nations Unies, que la Suisse a ratifiée. Celle-ci repose sur trois piliers :

Protection - Prestations - Participation.

Ce droit de participation aux décisions qui les concernent joue un rôle important, car les enfants sont désormais reconnus comme des acteurs à part entière de leur vie.

L'enfant est passé du statut d'objet de droit à celui de sujet de droit.

La Suisse a adhéré à ce changement de paradigme et s'est engagée à mettre en œuvre les droits de l'enfant.

Ainsi, notre pays prend très au sérieux le travail du Comité des droits de l'enfant de l'ONU.

Ses dernières recommandations font l'objet d'un suivi au niveau fédéral pour déterminer d'éventuels champs d'action possibles.

Quand on parle de participation, il faut savoir que plus de quatre cents enfants et jeunes ont soumis pour la première fois à ce comité leur propre rapport sur leur situation et la réalisation des droits de l'enfant en Suisse. La Confédération a encouragé cette participation par un soutien financier et continuera de le faire pour le prochain cycle onusien, prévu dans deux ans.

Au cours des dernières années, la Suisse a renforcé sa législation et ses politiques pour mieux accompagner les enfants particulièrement vulnérables que sont les enfants migrants, demandeurs d'asile et réfugiés. Nous avons, par exemple, fait en sorte que les enfants sans titre de séjour disposent d'un accès garanti à l'enseignement obligatoire et à la formation professionnelle.

Une autre thématique régulièrement soulevée est l'interdiction des châtiments corporels dans l'éducation. À ce sujet, le Conseil fédéral vient d'adopter un projet de loi visant à inscrire l'éducation sans violence dans le Code civil.

Face aux défis des nouvelles technologies, l'Office fédéral des assurances sociales encourage les compétences numériques des parents et des professionnels. L'objectif est de les aider à accompagner les enfants et les jeunes dans une utilisation sûre et responsable des médias numériques. L'été passé, le parlement a adopté une nouvelle loi, pour mieux protéger les mineurs face aux contenus de films et de jeux vidéo.

Ainsi, la Confédération place régulièrement les enfants au cœur de son agenda politique.

Mais pour faire avancer le débat politique, faudrait-il leur donner davantage la parole ?

J'en viens évidemment à cette question d'actualité : à quel âge est-on considéré suffisamment mature pour devenir citoyen ?

À Bâle, où je réside, le droit de participation des enfants n'est pas théorique. L'opinion des plus jeunes compte pour développer des projets concrets utiles à toute la communauté, notamment grâce à un Bureau des enfants.

Lorsque mes filles avaient 9 et 7 ans, elles ont même pu voter une fois. À l'époque, le Canton permettait aux habitants de décider s'ils voulaient transformer leur rue en zone de rencontres. Chaque résident avait autant de droits de vote que de membres dans la famille. Nous en avions discuté à table. Mes filles n'étaient pas seulement enthousiastes à l'idée de pouvoir jouer à l'avenir dans la rue, mais aussi de savoir que leur opinion comptait. Grâce aux voix des enfants, nous avions obtenu la majorité nécessaire. Mes filles ont ainsi pu découvrir très tôt que la démocratie est un moyen de construire son avenir. Plus tard, elles ont beaucoup joué dans la rue. Sans doute parce qu'elles savaient qu'elles avaient contribué à la transformer.

Pour ses actions en faveur d'une politique de l'enfance, la ville de Bâle a été distinguée au niveau international : l'UNICEF lui a attribué le label « Commune amie des enfants ». Je perçois aussi cet esprit d'ouverture en ville de Genève, dont les efforts ont été récompensés de la même manière. Et je salue l'engagement du canton qui fête cette année sa dixième édition de la « Semaine de la démocratie ».

Impliquer davantage les enfants dans la vie de la cité, c'est un enrichissement pour notre démocratie.

Faut-il encore aller plus loin ? Faut-il accorder le droit de vote en Suisse aux jeunes dès seize ans ?

Depuis les années nonante, la demande d'abaisser l'âge du droit de vote fait régulièrement l'objet d'interventions politiques et enflamme les débats.

Au niveau fédéral, toutes les interventions ont échoué, la dernière en date remontant au mois de février. Au niveau cantonal, seul Glaris a introduit le droit de vote à seize ans.

Une chose est sûre : le débat sur l'abaissement de l'âge du droit de vote en Suisse ne risque pas de s'éteindre à l'avenir.

Mesdames et Messieurs, je peux vous assurer que notre pays continue et continuera à travailler pour mettre en œuvre et renforcer les droits de l'enfant. Je souligne aussi le rôle important joué par les acteurs de la société civile.

J'aimerais conclure en remerciant l'Université de Genève pour son invitation et son engagement dans le débat démocratique. Je remercie également celles et ceux qui s'engagent au quotidien pour que les enfants puissent être encore mieux entendus en Suisse.

Je vous remercie de votre attention.


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