Journée des villes suisses

Lausanne, 29.08.2024 - Discours de la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider à Lausanne à l’occasion de la Journée des villes suisses. Seules les paroles prononcées font foi.

C’est un très grand plaisir pour moi d’être présente parmi vous, à l’occasion de ce que votre organisation qualifie de «grand rendez-vous de la Suisse urbaine». Je concède volontiers que cette appellation m’a interpellée et a d’emblée suscité mon intérêt. Cette «Suisse urbaine», en fait, c’est quoi? c’est qui? c’est comment et où est-ce que la limite est fixée? Est-ce que la location de mon appartement au centre-ville de la capitale fédérale depuis 2023 et les quatre années passées à Lausanne me donnent le statut de membre du club? Ou est-ce que j’en reste à la marge (pour ne pas dire à la périphérie), moi qui réside dans un magnifique mais petit village des Franches-Montagnes qui, certes, compte deux gares et un cinéma, une manufacture horlogère de luxe et guère plus de 1600 habitants?

Plus sérieusement, je suis convaincue de l’importance et du rôle incontournable des villes dans la Suisse d’aujourd’hui et de demain. Les villes sont au carrefour de presque toutes les questions et champs de tension qui animent le débat politique de notre pays. Elles sont un acteur incontournable, mais un acteur dont la situation n’a pas toujours été facile, ou enviée, durant les dernières décennies. J’en veux pour preuve les phases successives, dès la seconde moitié du siècle passé, durant lesquelles les villes ont perdu de leur pouvoir d’attraction, notamment face à une campagne souvent idéalisée, comme l’ont décrit par exemple Joëlle Salomon ou François Walter dans plusieurs de leurs travaux universitaires.

Dans les années 60, une première vague de citadines et citadins quitte les centres urbains pour s’établir à la campagne, ceci lié au développement et à la généralisation de l’automobile. Trente années plus tard d’autres citoyennes et citoyens – en particulier ceux qui peuvent se le permettre – quittent à leur tour les grands centres urbains pour s’établir en périphérie, dans les agglomérations. Pourquoi? Par recherche de calme et gain de confort et de tranquillité pour la plupart. Et pour échapper à la concentration dans les centres-villes des maux et problèmes d’une société alors en mutation. Dans le monde germanophone, les géographes parlent de «A-Städten». «A» comme Arbeitslosigkeit, Armut ou encore Abhängigkeit (chômage, pauvreté, dépendances).

Lieux clés d’innovation et de créativité

Plus éloignés de certaines réalités, misères et images difficiles qu’on a encore toutes et tous en tête, comme les scènes ouvertes de la drogue, d’autres observateurs – parmi lesquels des futurs ténors du web comme George Gilder – considèrent que la révolution technologique des années 90 aurait un impact majeur sur la mobilité des citoyennes et des citoyens. Et donc sur le développement des villes. Avec l’avènement d’internet, le lieu de travail et de résidence des individus ne jouerait plus aucun rôle, dans une société ou l’essentiel des interactions professionnelles se feraient en ligne.

Qui aurait encore besoin des villes, dans un monde en transformation, voire même dématérialisé? Les villes ont-elles fait leur temps? Sont-elles encore nécessaires si leurs habitantes et habitants peuvent se trouver simultanément dans différents endroits grâce aux technologies? Cette question est en décalage avec ce que j’observe et ce que je vis. Une caractéristique importante des villes est leur capacité à se transformer et à s’adapter.

L'architecte, professeure et auteure suisse Inès Lamunière définit d’ailleurs la ville comme un «lieu d'échange à la fois constructif et destructeur, lieu de forte densité et de grande béance, lieu d'attirance et de répulsion». Donc les villes, comme lieu de grands contrastes, comme lieux de négociation de différents besoins, comme lieux de développement permanent.

En 2011, un auteur américain, Edward Glaeser, président du département d’économie de l’Université d’Harvard, publie « Le triomphe des villes », un ouvrage remarqué qui fera rapidement référence. Il y célèbre les villes comme des lieux clés d’innovation et de créativité, au service du bien-être des habitants. Les villes y sont décrites comme les territoires sur lesquels les grands défis de notre temps sont abordés – et surtout relevés. Qu’il s’agisse de l’accès à la santé, de la durabilité, de l’accès aux produits de la croissance. Bref: l’ensemble de ce qui définit les bases de la qualité de vie.

De la parole aux actes

Un enjeu parfaitement compris par les villes en Suisse durant ces trente dernières années, qui ont su se montrer particulièrement résilientes, afin de rétablir, puis consolider et diversifier leurs pôles d’attraction. Pour ce faire, elles sont passées de la parole aux actes. Sans être exhaustive, je pourrais citer en exemple

  • les mesures prises dans le domaine de la santé, notamment liées à la prévention en matière de drogues;
  • les mesures prises sur le plan de l’aménagement urbain, pour atténuer les effets du réchauffement climatique;
  • le champ social avec les politiques d’intégration et d’accès au logement;
  • l’urbanisme avec le développement de la mobilité douce, le développement des quartiers durables ou encore le développement de mesures propres à améliorer la qualité de vie des résidents, par exemple en renforçant les dispositifs pour atténuer le bruit;
  • la sécurité publique avec des initiatives offrant des outils de signalement pour lutter contre les agressions sexistes et homophobes;
  • ou encore le soutien à la culture, domaine au pouvoir de transformation immense. Les esprits créatifs ont façonné le visage des métropoles modernes, redynamisé les quartiers et revalorisé les espaces.

Sans aller jusqu’à parler du «triomphe des villes», on peut aisément dire qu’elles ont su s’adapter avec succès et panache aux défis de leur temps. Autrement formulé: le monde urbain a trouvé sa place au cœur de nos sociétés contemporaines. C’est lui – bien souvent – qui donne le ton. Il attire les talents, il est facteur d’innovation, concentre les facteurs de prospérité et répond à un certain besoin de proximité.

Les villes ont ainsi regagné en attractivité, à tel point que bien des quartiers de nos grandes villes sont devenus si attrayants qu’ils ont vu les prix pour se loger ou pour exploiter un commerce atteindre des niveaux stratosphériques, dans une dynamique bien identifiée de gentrification. Avec souvent pour conséquence d’exclure les classes moyennes – et de nombreuses personnes âgées – des centres-villes, vers les périphéries. Une dynamique en forme de défi permanent pour les villes, pour ne pas perdre la mixité – qu’il s’agisse des générations, des catégories sociales ou des activités – garantissant les équilibres sociaux, ainsi qu’un développement durable.

La face sombre du renouveau des villes

C’est donc une réalité: le grand renouveau des villes comporte aussi une face plus nuancée, voire plus sombre, avec un coût élevé quand on évoque l’impact qu’il peut avoir sur la cohésion sociale et les risques de précarité. Un constat qui appelle à la prudence: nous devons veiller à éviter que la croissance des villes, perçues comme les grandes gagnantes de la globalisation, ne se fassent au détriment des agglomérations et des régions rurales, trop facilement taxées de «périphérie». Car le risque est bien réel. La Suisse compte parmi les pays les plus globalisés du monde, et des différences structurelles importantes distinguent les régions de notre pays, comme on l’observe par exemple ici dans le canton de Vaud, entre l’Arc lémanique et le Gros de Vaud.

Der Stadt-Land-Graben ist ein emotionales Thema in der Schweiz. Wobei es manchen mehr um die Bewirtschaftung von Ressentiments geht, als um eine nuancierte, konstruktive Diskussion. Zweifellos, es gibt Unterschiede zwischen Stadt und Land. Und das, obwohl die Schweiz so kleinräumig ist, obwohl viele Menschen im Verlauf ihres Lebens beide Welten kennenlernen, obwohl die Agglomerationen wachsen und der Übergang zwischen Stadt und Land immer fliessender wird.

Unsere direkte Umgebung, die Lebensumstände und Kontakte, die wir haben, prägen unsere Ansichten. Fragen der Mobilität, des Naturschutzes, der Gleichstellung, der staatlichen Strukturen werden in den Städten oft anders beantwortet als auf dem Land.

Dass wir nicht immer dieselbe Meinung haben, heisst aber nicht, dass uns ein Graben trennt, geschweige denn, dass wir immer weiter auseinanderdriften. Ich sehe keinen Graben. Ich sehe Gegensätze. Punktuelle Gegensätze, um genau zu sein. Und Gegensätze, die sich stets auch anziehen. Gegensätze, die uns zum Dialog animieren. Gegensätze, oder Kontraste, die uns bereichern und die die Schweiz zu dem machen, was sie ist. Einer vielfältigen, offenen Nation.

Es ist unsere Aufgabe als Behördenvertreterinnen, dass wir den gesellschaftlichen und regionalen Zusammenhalt fördern, dass wir den Austausch als ständige Aufgabe begreifen. Dass wir unseren Erfolg daran messen, wie es den Schwächeren geht. Dass wir Menschen mitnehmen. Dass wir Chancen ermöglichen. Gerade den Leuten mit bescheidenen Mitteln und geringen Qualifikationen. Und zwar egal, wo sie leben – ob in den weniger begehrten Quartieren der grossen Städte, in der Agglomeration oder auf dem Land. Es geht darum, dass wir alles dafür tun, damit die Lebensverhältnisse in allen Teilen der Schweiz gut sind. Entwicklungschancen müssen überall existieren.

Ungleichheit, Polarisierung ist eine der grössten Herausforderungen der Gegenwart. Es gibt viel zu tun, für uns alle: Von der Wohnungsfrage bis zur Armutsbekämpfung. Von der Lohngleichheit zwischen Frau und Mann über die Vereinbarkeit von Beruf und Familie bis zu bezahlbaren Gesundheitskosten, anständigen Arbeitsbedingungen und angemessenen Löhnen.

L’atout des villes de taille moyenne

Et si le pont ou le trait d’union se trouvait dans les villes de taille moyenne? Un ouvrage publié récemment par le Laboratoire de sociologie urbaine de l’EPFL s’intéresse à douze villes qualifiées de «moyennes»: La Suisse de Arbon à Zoug en passant par Bienne, Coire, Martigny ou encore Schaffhouse. Des villes qui peuvent devenir capitales. Et pourquoi pas même capitale culturelle suisse! Celles-ci rassemblent et peuvent servir à créer ce trait d’union essentiel à la cohésion. Proches de la nature et en même temps de toutes les commodités urbaines, elles participent avec panache à l’unité de notre pays, et rappellent qu’en Suisse, terre de proximités, terre de diversités, les fossés sont à relativiser.

Cet appel à la nuance n’empêche pas de rester vigilant. J’aimerais, pour conclure, aborder un exemple concret illustrant avec une certaine acuité la nécessité de veiller à une répartition équilibrée des infrastructures et des compétences entre centres, agglomérations et périphéries: celui de l’accès aux prestations de santé. Le dossier est de toute première importance, car la pénurie de médecins généralistes ne faiblit pas. Pire: elle risque de se renforcer ces prochaines années, avec le départ à la retraite de nombre d’entre eux.

Prenons quelques chiffres: en 2023, la moitié des médecins actifs dans notre pays était âgé de 50 ans ou plus et un quart d’entre eux avait 60 ans ou davantage. La conséquence directe est que notre pays se trouve dans une situation de forte dépendance vis-à-vis de l’étranger, puisque 40% des médecins actifs en Suisse en sont issus.

Ce sont avant tout les régions dites périphériques, notamment dans les cantons alpins, qui sont les plus affectées par cette pénurie, qui a inspiré cette image assez malheureuse mais très parlante de «déserts médicaux». Un phénomène face auquel nous ne restons évidemment pas les bras croisés. Bien au contraire. Renforcer l’accès à la médecine de base est une des priorités de notre politique sanitaire, comme je l’ai rappelé en février dernier lors de la «Conférence nationale santé 2030».

L’objectif est clair: mettre en corrélation l’évolution démographique de notre pays et l’accès pour toutes et tous aux infrastructures sanitaires. Renforcer la médecine de famille et la pédiatrie fait partie intégrante de cette stratégie, tout comme développer des modèles de soins innovants qui contribuent à décharger les médecins. Et ici, les villes ont un rôle important à jouer. Il existe des initiatives bienvenues, notamment en Suisse romande, visant à renforcer les collaborations avec les centres de santé régionaux, facilitant l’accès aux soins de premier recours. Par exemple, la collaboration réussie entre le Groupement hospitalier de l'Ouest lémanique et la commune de Saint-Cergue qui a inauguré en janvier 2023, un centre de santé régional. Les médecins sont employés par l'hôpital de Nyon, mais travaillent à temps plein ou partiel au centre de santé de Saint-Cergue. Au cours de la première année de fonctionnement, le centre a ainsi accueilli plus de 900 patients et effectué environ 2200 consultations.

Les «déserts médicaux», font écho à la nécessité de prendre en considération les réalités des régions dites périphériques. De manière légitime et compréhensible, banaliser une telle situation est source d’incompréhension et de frustration, parfois de colère. Il est de notre responsabilité non seulement d’entendre ces sentiments et ressentiments, mais aussi d’agir pour coconstruire de nouveaux équilibres. De faire preuve d’innovation et d’agilité, pour dépasser les barrières et répondre aux besoins de la population.

Car si la Suisse, avec son système fédéraliste, ses régions urbaines et rurales, ses régions linguistiques et ses cultures spécifiques est diversifiée et complexe, elle est aussi capable de s’adapter aux réalités du monde d’aujourd’hui. Le succès des villes et leur attractivité retrouvée, dont j’ai parlé au début de mon propos, doit aussi devenir celui des agglomérations et des régions rurales. Car ce succès global ne sera durable et garant de prospérité partagée que s’il devient celui de la Suisse tout entière, certes avec ses exigences, mais avant tout avec ses opportunités et potentialités.


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